Public presentation of Amine Beyhom’s book on Byzantine chant – Orient Institut Beirut – 16th February 2016

Amine Beyhom will present his new book on Byzantine chant (and animating a seminar On priests and modes. Or how the author finally got to understand Byzantine chant theory and praxis) in the Orient Institut Beirut on the 16th of February 2016 (from 6:00 to 8:00 p.m. – please see details on http://www.orient-institut.org/index.php?id=12 – pick “16th February”; contact, address and map available at http://www.orient-institut.org/index.php?id=58).

Mīkhāʾīl Mashāqa (1800-1888) was the first known modern theoretician of music to explain in written form the 24-quartertones system that was to become a standard in most Arabian countries. The lecture will reflect briefly how the personal development of this historian was closely bound with the history of the Middle East in the 19th century before shedding light on his musicological writings which, unlike other theories of Arabian music, compare the latter with the theories of Byzantine chant, namely the system of Chrysanthos of Madytos (1770-1846), who was the leader of the first “modern” reform of the Byzantine orthodox chant. This characteristic of Mashāqa’s treatise on music led the speaker to a thorough research on the two Patriarchal reforms of the 19th century.

It will be therefore shown how the theory of Chrysanthos is related to other Eastern theories like the Indian śruti system or the maqāmāt of Shihāb al-Dīn al-Ḥijāzī. At the same time, this reading will be contrasted  to Western musicological theorieson Eastern chant and their focus on Hellenistic rereading of Ancient Greek theories which, apart from trying to reduce Byzantine chant to a by-product of Western music, became the main tool of Orientalist studies on the music of the Middle East.

The presentation includes audio excerpts/analyses and liveʿūd examples.

This seminar / presentation, based on Amine Beyhom’s new book on Théories byzantines de l᾽échelle et pratiques du chant byzantin arabe, published 2015 (see: http://foredofico.org/CERMAA/archives/584) and co-organized with the Centre de Recherches sur les Musiques Arabes et Apparentées, is placed under the Auspices of the Ministry of Culture in Lebanon.

 

New book launch from Amine Beyhom / Publication du livre d’Amine Beyhom sur le chant byzantin

New book launch from Amine Beyhom

Publication du livre d’Amine Beyhom

 

THÉORIES BYZANTINES DE L’ÉCHELLE ET PRATIQUE DU CHANT BYZANTIN ARABE

(Byzantine Scales Theory and Arabian Byzantine Chant Praxis)

ISBN: 978-9953-0-3048-7

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Livre sur le chant byzantin - Amine Beyhom (page de garde)

English

Amine Beyhom’s new book on Byzantine chant offers a novel solution about Chrysanthos Madytos’ Theoretical system as well as an indepth tonometrical study of today’s praxis of the Byzantine chant in Lebanon.

 

About the author

  • Amine Beyhom is a musicologist specializing in scale theories and their praxis.
  • He has published the reference work ‘Théories de l’échelle et pratiques mélodiques chez les Arabes – Une approche systématique et diachronique’. The first tome was published by Geuthner, Paris, 2010.
  • He has written numerous ‘in-depth’ articles on modality, and founded two musicological reviews including the most recent NEMO-Online (http://nemo-online.org/) and is the director of CERMAA (Centre de Recherches sur les musiques Arabes et Apparentées – http://foredofico.org/CERMAA/) in Lebanon. He is a musician and a composer and has produced many CDs, concerts and various
    arts festivals within his company ‘Experimental Art Concept’.
  • He holds a Ph.D. since 2003, followed by his Habilitation in 2010 at the Université Paris-Sorbonne.
  • Since 2005, Amine Beyhom has mainly devoted his time to the teaching of musicology and the writing of his works.

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  • Figure Hors Texte 8 of the book: scales for the 3rd mode of Byzantine liturgical chant

 

Short description

  • The book has four chapters with a synthesis of about 50 pages and an appendix devoted to the origins of Byzantine chant, discussing among others the “Byzantine organ”.
  • The first chapter discusses Mīkhāʾīl Mashāqa’s works and analyses various theories.
  • The second chapter discusses the Arabian perception of Byzantine chant theories and the differences between the two major 20th-century theories.
  • The third chapter is about the Greek sources of the 19th-20th centuries Byzantine theories.
  • The fourth chapter is about Byzantine chant as it is practiced in the Lebanon in both Catholic and Orthodox churches.

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Le nouveau livre d’Amine Beyhom sur le chant byzantin propose une approche comparative et analytique comportant une solution inédite pour le système théorique de Chrysanthos de Madytos.

 

Quelques repères biographiques

  • Amine Beyhom est musicologue, spécialisé dans les théories de l’échelle et leurs applications pratiques en musique.
  • Il est l’auteur du livre de référence « Théories de l’échelle et pratiques mélodiques chez les Arabes – Une approche systématique et diachronique » dont le Tome I (sur quatre tomes) a été publié par Geuthner en Novembre 2010.
  • Auteur de plusieurs articles de fond sur les musiques modales, fondateur de deux revues musicologiques (dont la plus récente est NEMO-Online – http://nemo-online.org/) et directeur du CERMAA (Centre de Recherches sur les musiques Arabes et Apparentées – http://foredofico.org/CERMAA/) au Liban, il est également musicien et compositeur, et a produit plusieurs disques, concerts et festivals d’arts du spectacle via sa société de production Experimental Art Concept.
  • Titulaire en 2003 d’un doctorat, puis en 2010 d’une Habilitation à diriger les recherches de l’université de la Sorbonne – Paris IV, Amine Beyhom se consacre exclusivement depuis 2005 à l’enseignement de la musicologie et à la rédaction de ses ouvrages sur la musique.

 

Pourquoi un livre sur le chant byzantin arabe ?

Les relations entre la musique modale orientale et le chant byzantin ont été très peu explorées à ce jour, probablement pour des raisons de compartimentage des spécialisations artistiques au sein des communautés religieuses au Proche et Moyen-Orient(s), mais également à cause de la nature liturgique, exclusive, du chant byzantin.

Il est néanmoins certain que des interactions nombreuses ont existé (et continuent de l’être) entre musiques de cette région et ce, depuis probablement la plus haute Antiquité. Il n’en est que plus étonnant qu’aucune recherche sérieuse sur le sujet ne soit disponible actuellement, à part des articles épars constituant de maigres contributions, parfois contradictoires et souvent partisanes, à l’étude de ce domaine.

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Le connaisseur sera encore plus étonné en relevant que le fondateur (vers 1820-1830) de la musicologie arabe moderne, le docteur Mīkhāʾīl Mashāqa avait basé sa description des théories de l’échelle arabe sur une comparaison entre celle-ci et l’échelle byzantine de l’époque, en considérant d’ailleurs que la dernière était plus à même de reproduire la musique pratiquée par les Arabes que celle, qu’il dénomme « arabe » et qu’il a été le premier à introduire dans un écrit moderne, en quarts de ton égaux.

Cette comparaison, généralement occultée dans les écrits postérieurs s’inspirant du traité de Mashāqa, est restée orpheline dans la littérature traitant de la musique des pays arabes, bien qu’une copieuse littérature comparative existe, plus particulièrement depuis le début du xixe siècle, entre chant byzantin et musique ottomane ou turque.

C’est à partir de ce constat qu’Amine Beyhom décide d’entreprendre une comparaison approfondie entre les théories et les pratiques de ces deux musiques, avec des résultats qui sont exposés dans le livre proposé à l’attention du lecteur et que le présent document se propose de décrire succinctement.

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Court descriptif du contenu du livre et des résultats qui y sont exposés

Le livre comporte 4 chapitres ainsi qu’une synthèse d’une cinquantaine de page, un appendice (50 pages) consacré aux origines du chant byzantin (dont la fameuse question de l’« orgue des églises byzantines ») et, enfin, une série d’annexes consacrées à des problématiques particulières de ce chant.

Amine Beyhom se cantonne au début du livre à l’attitude du néophyte (qu’il a été au début de ses recherches [1]) et prend comme point de départ la comparaison effectuée par Mīkhāʾīl Mashāqa dans la première moitié du xixe siècle et ses échos dans la littérature contemporaine ; il expose dans un premier (court) chapitre les théories de ce musicologue tout en relevant certaines incohérences, concernant plus particulièrement le chant byzantin, dans le discours de musicologues du cru qui se sont intéressés à son traité.

Dans un deuxième chapitre Beyhom s’attaque aux représentations, par des spécialistes arabes de ce chant, des théories de l’échelle byzantine et met en exergue les différences entre deux théories principales, bien que toutes deux basées sur des principes qui semblent être équivalents ; une étude parallèle de la littérature disponible sur le sujet en langues occidentales courantes (française, anglaise, allemande) lui permet d’identifier la théorie byzantine proposée par Mashāqa comme étant celle de Chrysanthos de Madytos [2] tandis que les théories orthodoxes courantes de nos jours se basent sur une version modifiée qui est issue des travaux de la Commission de Musique du Patriarcat œcuménique [3] formée en 1881.

À partir de ce constat, l’auteur entreprend (Chapitre III) une vaste recherche sur les principes à la base de ces théories en s’appuyant sur les sources originales grecques ou en traduction, tout en développant dans l’Appendice une argumentation détaillée réfutant les arguments confinant le chant byzantin originel à une structure semi-tonale. Ce faisant, Beyhom applique une méthodologie qui lui permet de proposer une explication alternative de l’échelle byzantine proposée par Chrysanthos et relève une évolution fondamentale, plus politique que musicale, de la théorie du chant byzantin entre Chrysanthos de Madytos (1818) et la « Commission de musique » (1881).

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La théorie du chant byzantin étant ainsi remise en perspective, il restait à la confronter à la pratique de ce chant notamment, et pour rester dans le cadre d’un seul ouvrage, au chant byzantin au Liban, dans les deux liturgies orthodoxe et catholique [4] : en appliquant une méthodologie originale basée sur les recommandations précédentes de l’auteur dans plusieurs articles, et au bout de quelques années d’analyses de hauteurs et de comparaison des résultats, les conclusions apportées par Beyhom lui permettent de réaffirmer la primauté de la pratique musicale sur la théorie et de proposer de cantonner cette dernière au rôle, purement qualitatif, de guide non contraignant de la première.

Une vaste synthèse finale permet à l’auteur, au terme de ce quatrième chapitre, de resituer les théories et la pratique du chant byzantin dans le vaste courant de la musique de l’Orient Proche (de l’Occident) et de retracer leur évolution aux derniers deux siècles, en interaction avec les bouleversements géopolitiques qui ont rythmé la vie politique, sociale et culturelle de ces régions.

[1] C’est-à-dire vers 2005-2006.

[2] Qui devint après la rédaction de son traité sur le chant byzantin le métropolite (orthodoxe) de la ville de Durazzo (actuellement en Albanie).

[3] De Constantinople.

[4] Dans le rite catholique en Orient la liturgie est pratiquement identique à celle du rite orthodoxe qui en est l’origine.

(shortlink: http://foredofico.org/CERMAA/archives/584)

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Reminder / Rappel

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Documents promotionnels / Further links and downloads:

CERMAA and ICONEA at USEK

Amine Beyhom of CERMAA and Richard Dumbrill of ICONEA presented papers on July 12-14 2012 Conference at the University of the Holy Spirit (USEK) at Kaslik Lebanon.

Amine Beyhom spoke about the need for accurate definition in specific terms.

Richard Dumbrill spoke of possible Near-Eastern origins of both maqam and Pythagorean systems in Bronze Age archeomusicology.

Ꜥūd Bibliography

We are proud to announce that we have started to implement the bibliography of Arabian and Mediteranean musics on Cermaa’s website.

 

The first bibliography published to day is the Ꜥūd Bibliography, to be found under “Bibliography > Ꜥūd Bibliography“. It comprises a reasoned choice of references on the Ꜥūd, to be further enriched with time.

 

ICONEA 2011 Conference on “`ūd through the centuries”

Amine Beyhom will be reading a paper on `ūd making in the Middle-Age (Arabian “Golden Age”) at the “ICONEA 2011” Conference to be held in London in December 2011.

Une Musicologie Majeure

Reproduction de la préface de François Picard pour le livre d’Amine Beyhom Théories de l’échelle et pratiques mélodiques chez les Arabes – I : L’échelle générale et les genres Tome 1 : Théories gréco-arabes de Kindi (IXe siècle) à Tusi (XIIIe Siècle)

 

Une musicologie majeure

 

La musicologie, ou étude scientifique, de la musique arabe est aujourd’hui majeure, ce qui ne veut pas dire autonome, isolée, encore moins unitaire ; bien au contraire, c’est sa capacité à se diviser en acoustique, organologie, histoire des instruments, des pratiques, des systèmes, des œuvres, analyse, systématique, ethnomusicologie des traditions, anthropologie religieuse, sociologie, puis à mettre ces points de vue en interaction qui en fait la richesse et l’intérêt, la pertinence. Le dialogue de cette musicologie de la musique arabe avec celles des musiques européennes anciennes ou contemporaines, des musiques de Chine, de Bretagne, de Bulgarie ou d’Afrique prend aujourd’hui une tout autre tournure que la course à l’ancienneté, la pureté, qui caractérisaient les débats des années 1920 ou 1970, ou que la course à la modernité et la primauté de l’invention. Nul besoin aujourd’hui de vouloir retrouver les sources anciennes, qu’elles soient grecques ou mésopotamiennes, ni de purger des influences, pour faire œuvre d’historien : il faut pour cela les mêmes méthodes que celles utilisées pour la Chine ou l’Irlande : l’étude critique des sources, le regard éloigné. Le comparatisme, venu avant, reviendra après. Il fait partie nécessaire de la culture générale du musicologue, mais n’intervient pas à ce stade en tant que tel.

Quand le baron Rodolphe lui-même — ou l’auteur collectif connu sous le nom d’Erlanger — entreprenait ses travaux, le cadre général dans lequel se situait la théorie était celle d’une échelle générale des sons en rapport avec des genres mélodiques (B. Carra de Vaux, préface, La musique arabe, tome I, Paris, Geuthner, 1930, p. VII). Quand Amine Beyhom, en septembre 2005, expose le projet de recherche qui aboutira quatre ans plus tard au présent ouvrage, la situation est quelque peu différente. On dispose grâce à sa thèse présentée sous la direction de Nicolas Meeùs (Systématique modale, université Paris-Sorbonne, septembre 2003) d’un cadre intellectuel fort : grâce à la combinatoire et en s’appuyant sur un relevé généralisé des échelles modales constatées ou décrites tant dans la littérature spécialisée que par les professionnels de la musique et de son enseignement, on sait que le fondement des musiques modales ne peut être saisi que dans une alternance entre déroulement temporel mélodique (bourdon, teneur, finale, cadence…) et insertion de cette mélodie particulière dans un vaste système de différences permettant des regroupements, ou modes, et éventuellement des passages, ou modulations ; rien ne dit encore à ce stade que ces modes soient réductibles à des échelles, encore moins à des mesures. Quatre mille pages plus loin, rien ne l’affirmera non plus. Avant même d’aborder le rapport entre théorie et pratique, force est de constater par l’histoire comme par la pratique ethnomusicologique de l’interaction que l’ensemble que constitue une musique modale (qu’elle soit prise à l’échelle de la modalité, de l’Islam, de l’ensemble arabo-arméno-chaldéo-turco-persan, du monde « arabo-musulman », de la musique syro-égyptienne ou du mâlouf de Constantine) doit être saisi (même si on peut douter que cela soit possible simultanément) à la fois comme structure (ici : système de différences entre échelles) et comme mémoire (reconnaissance des motifs, formules, tournures, intonations).

Amine Beyhom ne tranche pas ; il propose simplement un cadre qui va permettre de saisir le système en tant que structure, et montre que l’ensemble des échelles modales constatées et décrites se situent à l’intérieur de choix prédictibles et modélisables entre arrangements d’intervalles composant des ensembles ordonnés, appelés échelles. Il montre que la diversité la plus grande, la capacité de créer le plus grand nombre d’échelles différentes avec un ensemble défini de notes rejoint étroitement et nécessairement l’économie dans les intervalles : traduit en termes triviaux, on crée fort peu d’espèces d’octaves à partir des deux seuls intervalles de quinte et de quarte (en employant les noms conventionnels). Le choix d’échelles de six ou sept notes est de loin le meilleur car en deçà ou au-delà on a une combinatoire potentielle moins élevée ; le choix des intervalles relève de la même systématique : on a tout avantage à sélectionner peu d’intervalles (on rejoint ici la fameuse théorisation des « modes à transposition limitée »), et l’échelle diatonique, une octave partagée par sept intervalles de deux grandeurs, les deux petits non adjacents, est certainement une des solutions les plus élégantes et les plus économiques. Un résultat non trivial est que la génération par genres (quartes, quintes ou tierces) est liée à une contrainte proposée au modèle, celle qu’une étape soit la quinte ou la quarte  justes (que celles-ci mesurent réellement 3/2 ou 4/3 n’intervient évidemment pas). Le point de vue de l’ethnomusicologie des traditions musicales arabes et méditerranéennes vient apporter une précision : comme l’a analysé Suzy Felix (La double clarinette au Liban – Le mijwiz, mémoire de Master, université Paris-Sorbonne, juin 2007), il existe une alternative pour « créer le plus grand nombre d’échelles différentes » à ce que nous avons défini plus haut comme « ensemble défini de notes » : c’est de jouer sur la grandeur même des intervalles ; c’est ce que fait le joueur de mijwiz ou le guitariste maltais en raccourcissant ou élargissant ses intervalles tout en gardant les mêmes doigtés. On en arrive à montrer ainsi un présupposé caché, mais évident : soit on a une modalité (ici : possibilité d’obtenir des ensembles de hauteurs ayant des caractéristiques propres et utilisables pour les mettre en relation avec des sentiments, expressions, ethos) floue mais limitée aux capacités psycho-acoustiques de discrimination par l’instrumentiste et de l’auditeur, difficilement reproductible d’une fois sur l’autre, difficile à reporter sur un autre instrument, et impossible à codifier, comme dans le cas du mijwiz, soit on passe par des notes fixes, claires et distinctes. On peut décider que l’empereur fixe un étalon arbitraire, aussi arbitraire que la seconde ou le mètre ; on peut aussi décider collectivement de construire des instruments (comme on dit instruments d’optique) de référence : on les appellera alors « règle » (qānūn), « bois » (`ūd)…

Quand Amine Beyhom me propose en septembre 2005 un travail de la dimension de l’ancienne thèse d’État en vue de son habilitation à diriger les recherches, il a encore en tête la perspective d’une « théorie alternative de la modalité arabe », dans laquelle l’exposé pour mémoire des théories existantes depuis avant Safiyy-a-d-Dīn jusqu’à Mashāqa prendrait à peine quelques 260 pages. Dans notre esprit, les textes avaient été établis, traduits, analysés, discutés, ressassés. Le résultat de la recherche, dont le lecteur tient le premier volume entre les mains, est d’une autre dimension, pas seulement d’une autre taille : cette dimension, je la qualifierai non plus de systématique, ni d’historique, mais de spirituelle : la pratique de la recherche des textes, des manuscrits, des copies, des éditions, de la lecture, de la traduction, de la comparaison des variantes et interprétations a fait entrer l’ancien ingénieur polyglotte et cosmopolite (= celui qui est citoyen d’une ville qui a les dimensions d’un monde) dans la dimension de l’herméneutique ; cette pratique de lecture a inséré l’homme dans une chaîne de réception et de transmission dans laquelle nécessairement s’insère une interprétation. Elle établit à rebours combien l’œuvre d’Erlanger, le Bourbaki de la musique arabe, était elle-même insérée dans des préoccupations et des savoirs de son temps. De là découle le style particulier à Beyhom, à la fois ou successivement érudit et polémique, laborieux et inspiré, toujours rigoureux, souvent enflammé : le texte (Fārābī, Ibn Sīnā ou Kindī) met son lecteur dans la position qui fonde l’art d’entendre la musique comme la poésie arabes : l’entendement juste est celui de l’amoureux passionné, du fou (on pense ici évidemment à Rūmī, à Tagore, à Ted Levin, à Jean During). Ici, cette folie n’est pas celle du vin, des garçons ou des femmes, mais du nombre et du doigté, d’un sens qui tient tout entier dans la forme, à condition que celle-ci soit mise en situation. Dans ce qui peut se lire aussi comme un exposé chronologique et systématique Amine Beyhom a inscrit plusieurs interrogations qui forment intrigue : ne peut-on connaître la zalzalité dès avant Fārābī ? Y a-t-il nécessité que le `ūd ait eu des frettes ? Peut-on diviser l’octave en un nombre d’intervalles qui ne soit ni sept, ni douze, ni vingt-quatre ? Et dix-sept a-t-il fait, ferait-il l’affaire ? On l’a compris, c’est à un dialogue passionné en forme de munāẓara que fait appel Théories de l’échelle et pratiques mélodiques chez les Arabes, un dialogue dont il nous plaît de rappeler qu’il a toute sa place au sein du centre de recherches Patrimoines et Langages Musicaux et que nous avons voulu établir avec les meilleurs spécialistes mondiaux, qui forment cette petite communauté nomade, polyglotte et cosmopolite qui aime à se retrouver pour débattre, discuter et qui comprend les professeurs Owen Wright, Amnon Shiloah, Mahmoud Guettat, Dwight F. Reynolds, mais aussi le regretté Bernard Moussali, Christian Poché, Frédéric Lagrange, tout aussi bien que les auditeurs attentifs que nous sommes, vous lecteur et nous. Nous ne saurions trop remercier et féliciter madame Myra Prince pour l’accueil du présent ouvrage par l’éditeur même qui a publié Erlanger tout comme le nécessaire Musiques du monde arabe et musulman de Christian Poché et Jean Lambert (2000), le superbe Voyage au ciel d’un héros sama de Nicole Revel et al., 2005, et le merveilleux Musique, honneur et plaisir au Sahara de Michel Guignard (1975/2005).

François Picard, professeur d’ethnomusicologie analytique à l’université Paris-Sorbonne, directeur du centre de recherches Patrimoines et Langages Musicaux

Publication du Tome I du livre d’Amine Beyhom

Publication du Tome I du livre d’Amine Beyhom : Théories de l’échelle et pratiques mélodiques chez les Arabes – I : L’échelle générale et les genres Tome 1 : Théories gréco-arabes de Kindi (ixe siècle) à Tusi (xiiie siècle)

 

Le livre a été publié en novembre 2010 chez Geuthner (Société Nouvelle Librairie Paul Geuthner), avec le concours de l’équipe de recherches Patrimoine et Langages Musicaux (PLM) de l’école Doctorale V Concepts et Langages de l’université Paris-Sorbonne, et de la Société Française d’Ethnomusicologie (SFE).

La sortie a eu lieu à :

Beyrouth, à l’occasion du Salon du Livre

au BIEL

le mercredi 3 novembre 2010 à 18 heures,

avec une (courte) conférence illustrative suivie d’un mini-concert de musique arabe et d’une signature à 19 heures.

L’ouvrage comporte 706 pages, avec une préface par François Picard, et peut être commandé par email à l’adresse geuthner@geuthner.com : la couverture est reproduite ci-dessous.